Les professionnels du secteur immobilier appuyés par plusieurs personnalités politiques demandent au gouvernement l’établissement d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) spécifique pour les bâtiments construits avant 1948, afin de corriger les erreurs constatées dans la formule de calcul unique actuellement utilisée dans ce diagnostic.
Sommaire
La situation actuelle
Depuis la mise en place du nouveau DPE en juillet 2021, plus de 5 millions de diagnostics ont été réalisés pour tous types d’habitat. Selon les résultats du premier trimestre 2023 publiés par l’Agence pour la transition écologique (ADEME), environ 850.000 logements ont été pris en compte, révélant que 60 % des bâtiments construits avant 1948 se situent dans les classes énergétiques E, F ou G.
D’ici 2034, les logements qui seront proposés à la location devront respecter une obligation de rénovation en vertu de la loi Climat et résilience. Cette mesure vise à encourager des pratiques plus durables et à favoriser la transition vers une société plus résiliente face aux enjeux climatiques.
Cependant, d’après la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers (CDI) de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) et le réseau des Sites & cités remarquables de France, il convient de souligner que ces biens ne sont pas nécessairement des passoires thermiques. Cette affirmation s’explique par la méthode de calcul unique utilisée actuellement dans le diagnostic de performance énergétique.
Le DPE appliqué au bâti ancien
Si le DPE ne s’applique pas aux monuments historiques, il reste néanmoins obligatoire pour les bâtiments construits avant 1948. Cela englobe notamment les édifices situés dans les zones protégées, c’est-à-dire à proximité des sites patrimoniaux d’importance.
Cependant, l’utilisation d’un diagnostic de performance énergétique unique pour l’ensemble des biens immobiliers anciens est très critiquée par les professionnels du secteur immobilier. Ces derniers remettent en question la fiabilité et le caractère réaliste du DPE et soulignent que la formule actuelle ne prend pas en compte les progrès technologiques récents ni l’état de conservation du bâti.
De plus, le manque d’adaptabilité des diagnostiqueurs à ces biens anciens est une autre source de préoccupation, car ces derniers font face à des difficultés pour appréhender correctement leurs caractéristiques thermiques et structurelles. D’après les professionnels, il est donc nécessaire que le gouvernement élabore un diagnostic spécifique pour ces bâtiments afin de rétablir la confiance des acheteurs et accroître le nombre de transactions immobilières.
Des biens immobiliers dévalorisés
Plus de 10 millions de logements seraient actuellement concernés par ces anciennes structures qui risquent de tomber en déshérence, qualifiées de « passoires thermiques » selon les critères actuels du DPE. Pour cette raison, le réseau des Sites & cités remarquables de France ainsi que plusieurs professionnels et personnalités politiques demandent l’établissement d’un DPE spécifique pour les bâtiments construits avant 1948.
En effet, la valeur patrimoniale de ce bâti ancien, ainsi que sa localisation, représentent un véritable enjeu pour la revitalisation des centres-villes et l’attractivité de l’économie locale. Bien que la rénovation soit nécessaire pour améliorer leur performance énergétique, il convient de souligner que les bâtiments anciens présentent des caractéristiques qui ne peuvent pas être prises en compte dans le calcul du DPE.
Le DPE influe sur le prix de vente
En attendant une éventuelle mise à jour du DPE pour les bâtiments anciens, les biens qualifiés de « passoires énergétiques » souffrent des conséquences de la loi Climat et résilience. Selon une étude Opinionway-SeLoger, le prix de vente des logements classés F ou G au DPE est en moyenne inférieur de 3,9 % par rapport à ceux qui sont mieux notés. Cet écart de prix pourrait même s’accentuer dans les prochains mois, car le prix des logements énergivores augmente à un rythme plus lent (+3,7 % en 18 mois) que celui des autres biens immobiliers (+7 %).
Cette caractéristique est encore plus évidente dans les zones rurales, où le prix des logements classés de A à E a augmenté de 13,3 %, tandis que les biens les plus énergivores ont connu une hausse de seulement 7,4 %. Un mauvais DPE est également devenu un frein pour de nombreux acheteurs potentiels lors des visites. En 2022, plus de 50 % d’entre eux n’ont visité que des logements affichant un bon DPE ou considéraient un mauvais DPE comme un élément de négociation.
Les pistes envisagées
Dans une lettre ouverte adressée au gouvernement le 21 juin dernier, Yannick Ainouche, président de la Chambre des Diagnostiqueurs Immobiliers de la FNAIM, et Martin Malvy ont vivement critiqué la méthode de calcul actuelle du DPE et son incompatibilité avec les bâtiments anciens. Ils ont souligné que la performance énergétique d’un bâtiment ne devrait pas être déterminée par son âge. Ils ont également formulé plusieurs recommandations visant à améliorer le DPE, notamment en prenant en compte les isolants biosourcés ou géosourcés tels que la chaume ou le torchis.
Les deux signataires estiment qu’il est essentiel d’effectuer un rééquilibrage, étant donné que près d’un tiers des logements sont des constructions antérieures à 1948. Actuellement, plus de 7 millions de logements, tous types de bâtiments confondus, sont considérés comme des passoires énergétiques. Dans ce contexte, il serait judicieux d’adapter le DPE aux logements anciens afin de mieux cibler les efforts de rénovation et faciliter ainsi la transition énergétique des bâtiments concernés.
Les actions en cours
Depuis plusieurs mois, les ministères de la Culture, de la Transition écologique et de la Transition énergétique travaillent ardemment sur ce sujet, cherchant à trouver un équilibre et à modifier le DPE en utilisant une nouvelle grille d’analyse qui prendrait en compte de manière juste et justifiée les spécificités propres aux bâtiments anciens. Un groupe de travail a également été mis en place. Il est chargé d’analyser le DPE et de proposer des solutions spécifiques à chaque type de bâti.
Des audits techniques devraient être réalisés pour mieux appréhender les caractéristiques thermiques et structurelles de ces bâtiments anciens, afin de mieux comprendre les effets des différents types d’isolation. Les résultats obtenus seront utilisés pour établir un nouveau diagnostic plus adapté à cette typologie particulière.
Les mesures ainsi instaurées permettraient de limiter la dévalorisation des bâtiments anciens et d’aider à relancer le marché immobilier, tout en contribuant à une meilleure prise en compte du patrimoine français et à une transition énergétique juste. Ces nouvelles dispositions pourraient contribuer à la protection des bâtiments anciens, mais aussi à leur rénovation, dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et permettre aux résidents de bénéficier d’une vie plus saine et durable.
Pour conclure, la mise en place d’un DPE spécifique pour le bâti ancien apparaît de plus en plus nécessaire. Des mesures sont d’ores et déjà prises par les pouvoirs publics pour relancer l’activité du marché immobilier et aider à la transition énergétique, mais il reste encore beaucoup de progrès à effectuer. Les professionnels et les organismes institutionnels doivent donc rester vigilants et continuer à défendre leur cause.