Depuis l’introduction de la loi interdisant la location des passoires thermiques, le marché immobilier s’est vu inondé d’habitations classées F et G. Très attendu, le décret paru le 20 août 2023 offre notamment aux bailleurs un peu plus de souplesse pour ce qui est des exceptions à cette interdiction. Explorons plus en détail ce décret et ses implications.
Sommaire
Qu’est-ce qu’une passoire thermique ?
Les passoires thermiques sont des logements qui consomment beaucoup d’énergie et perdent beaucoup de chaleur. Cela peut être dû à une mauvaise isolation des fenêtres, des murs et de la toiture, ainsi qu’à des équipements énergivores comme une vieille chaudière ou des convecteurs électriques d’ancienne génération. Ces logements sont souvent classés F ou G sur l’échelle d’efficacité énergétique du diagnostic de performance énergétique (DPE).
Ces habitations classées F ou G sur l’étiquette énergie du DPE correspondent aux plus mauvaises notations : une consommation entre 331 et 420 kWh par m2 et par an pour la F, et supérieure à 420 kWh pour la G. Selon le ministère de la Transition écologique, cette étiquette permet à chaque foyer français qui achète ou loue un bien immobilier de mieux évaluer l’impact de ses choix sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) et sa facture énergétique.
Que dit le décret sur l’interdiction de louer ?
Le décret concernant le niveau minimal de performance énergétique des logements décents, c’est-à-dire l’interdiction de louer des logements qualifiés de « passoires énergétiques », est paru au Journal officiel du 20 août dernier.
Il traduit l’interdiction de louer des logements énergétiquement inefficaces pour la France métropolitaine :
- À partir du 1er janvier 2025, les logements de classe G selon le DPE ne pourront plus être loués. Un logement devra être classé au minimum F pour être proposé à la location.
- À compter du 1er janvier 2028, un logement devra atteindre au moins la classe E pour être proposé à la location.
- À partir du 1er janvier 2034, un logement devra atteindre au moins la classe D pour pouvoir être loué.
En Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte, les niveaux de performance minimum prévus seront les suivants :
- Classe F minimum à partir du 1er janvier 2028.
- Classe E minimum à partir du 1er janvier 2031.
Aucune interdiction de location des logements notés E n’est donc envisagée pour les DROM-COM.
Des exceptions sont toutefois prévues si les travaux nécessaires pour atteindre la performance minimale requise sont impossibles.
Les dérogations à l’interdiction de louer
Ce décret apporte des précisions attendues sur les exemptions permettant d’éviter cette interdiction. Cela pourrait rassurer les propriétaires bailleurs prêts à vendre des biens pour éviter de les rénover thermiquement.
Deux exceptions sont prévues par le décret :
- Les travaux qui feraient courir un risque de pathologie au bâti en fragilisant sa structure, ce risque devant être attesté par « un homme de l’art ».
- Les travaux nécessitant des autorisations d’urbanisme ou des permis de construire qui ne sont pas accordés. Cela est souvent le cas pour les vieux immeubles proches de monuments historiques comme une grande partie des immeubles à Paris, pour lesquels l’isolation par l’extérieur n’est pas envisageable.
De ce fait, certains biens mal classés selon le DPE pourraient échapper à cette interdiction de location : les immeubles haussmanniens, ainsi que tous les biens soumis à des contraintes architecturales, les biens situés dans des zones classées et les maisons en pierre.
L’interdiction de location se renforce
La réglementation sur la location en fonction du DPE se renforce progressivement. Depuis le 24 août 2022, les propriétaires n’ont plus le droit d’augmenter les loyers des biens classés F ou G. De plus, depuis le 1er janvier 2023, les logements les plus énergivores, appelés « G+ », sont désormais interdits à la location.
Cependant, cela ne concerne qu’une petite partie des logements G, soit environ 140.000 du parc locatif privé, ceux ayant une consommation énergétique finale supérieure à 450 KWh/m2/an. C’est donc à partir de 2025 que l’interdiction à la location risque de réduire considérablement l’offre disponible.
Combien de logements sont concernés ?
En juillet 2022, selon l’ONRE (observatoire national de la rénovation énergétique), un rapport révèle qu’il existait environ 30 millions de résidences principales en France. Parmi celles-ci, environ 1,5 million étaient classées dans les catégories A ou B en termes de performance énergétique, selon le DPE.
Environ 24 % du parc de logements, soit environ 7,2 millions, étaient classés dans la catégorie C. Les catégories D, E représentaient respectivement 9,6 millions, 6,6 millions et 5,2 millions de logements étaient classés F ou G. De plus, 0,5 million de logements présentaient une consommation annuelle d’énergie finale supérieure à 450 kWh/m2/an d’après le DPE.
Un calendrier impossible à tenir selon la FNAIM
Selon la FNAIM (fédération nationale de l’immobilier), le calendrier de rénovation des passoires énergétiques est jugé « intenable », en particulier pour les copropriétés. Les délais nécessaires pour les assemblées générales et la recherche d’artisans qualifiés rendent les travaux peu réalisables d’ici 2025.
D’ailleurs, de nombreux bailleurs privés préfèrent vendre leur bien à des ménages qui ne sont pas soumis à l’interdiction de location ou optent pour la location saisonnière qui n’est pas concernée non plus par l’interdiction. On note aussi que cette situation a entraîné une augmentation des mises en vente de passoires thermiques depuis début 2022.
Alors que le marché locatif est déjà très tendu, avec une demande croissante et une offre limitée, la situation pourrait devenir encore plus compliquée à l’avenir. La construction de logements neufs connaît une baisse considérable, ce qui réduit encore davantage les possibilités de trouver une location abordable. Certains experts prévoient même que d’ici 2025, il pourrait devenir presque impossible de trouver une location dans le parc privé.